Le portage salarial est une alternative au travail indépendant qui connaît un essor considérable en France. Cette forme d’emploi permet à des professionnels autonomes de bénéficier du statut de salarié tout en conservant leur liberté d’action. Pourtant, le cadre juridique du portage salarial a longtemps été flou, suscitant interrogations et débats. Cet article vous propose de découvrir les principales évolutions législatives concernant le portage salarial, ainsi que leurs implications pour les travailleurs et les entreprises.
Le cadre législatif initial : la loi de modernisation du marché du travail de 2008
Le portage salarial a été reconnu pour la première fois par le législateur français avec la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail. Cette loi a posé les bases d’une régulation en définissant le portage salarial comme « un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l’entreprise de portage ».
L’ordonnance de 2015 : un encadrement renforcé du portage salarial
Malgré cette première reconnaissance législative, le cadre juridique du portage salarial restait lacunaire. L’ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015 relative au portage salarial est venue combler ces lacunes en apportant des précisions sur la définition du portage salarial, les conditions d’exercice et les droits des travailleurs concernés.
L’ordonnance de 2015 a notamment posé les principes suivants :
- Le travailleur porté doit être un professionnel qualifié, disposant d’une expertise, d’une compétence ou d’un savoir-faire qui justifie le recours au portage salarial.
- Le contrat conclu entre le travailleur porté et l’entreprise de portage salarial doit être un contrat à durée indéterminée (CDI).
- Le travailleur porté doit bénéficier de la garantie financière de l’entreprise de portage, qui assure le paiement des salaires et des cotisations sociales en cas de défaillance de celle-ci.
- L’entreprise cliente doit respecter les règles applicables en matière de santé et sécurité au travail.
La loi Travail de 2016 : une intégration dans le Code du travail
Avec la promulgation de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dite loi Travail ou loi El Khomri, le portage salarial a été intégré dans le Code du travail. Cette loi a repris les dispositions de l’ordonnance de 2015 et les a complétées par de nouvelles mesures, notamment :
- La limitation de la durée des missions de portage salarial à 36 mois, renouvellements inclus.
- La possibilité pour le travailleur porté de bénéficier d’un compte épargne-temps (CET).
- L’obligation pour l’entreprise cliente de consulter le comité social et économique (CSE), lorsqu’il existe, avant de recourir au portage salarial.
- La création d’une contribution spécifique à la charge des entreprises de portage salarial, destinée à financer les actions de formation professionnelle des travailleurs portés.
Les accords collectifs : une négociation entre partenaires sociaux
Outre les évolutions législatives, le cadre juridique du portage salarial a également été enrichi par des accords collectifs. En effet, plusieurs accords ont été conclus entre les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs, afin d’adapter les dispositions légales aux spécificités du secteur.
Ces accords ont notamment permis :
- D’établir un bareme minimal de rémunération pour les travailleurs portés, en fonction de leur niveau d’expertise et de leur ancienneté.
- D’encadrer les modalités de mise en place et de suivi des missions de portage salarial, avec la création d’un document de mission et d’un comité de suivi.
- De renforcer la protection sociale des travailleurs portés, notamment en matière de prévoyance et de retraite.
La jurisprudence : un éclairage sur les enjeux du portage salarial
Enfin, il convient de noter que la jurisprudence a également joué un rôle important dans la définition et l’encadrement du portage salarial. Plusieurs décisions de justice ont ainsi contribué à préciser les contours de cette pratique, notamment en ce qui concerne :
- Le respect des règles relatives au travail temporaire, avec des exigences similaires en matière de contrat de mise à disposition et de rémunération minimale.
- L’application du régime juridique spécifique au portage salarial, qui exclut le recours à d’autres formes d’emploi (travail indépendant, auto-entrepreneuriat) pour les prestations réalisées par le travailleur porté.
- La distinction entre le portage salarial et le détachement illégal, qui suppose une intention frauduleuse et une violation caractérisée des droits du travailleur.
Ainsi, la législation du portage salarial a connu d’importantes évolutions au cours des dernières années, sous l’impulsion conjointe du législateur, des partenaires sociaux et des juges. Ce cadre juridique renforcé permet aujourd’hui d’offrir une meilleure protection aux travailleurs portés et de sécuriser le recours au portage salarial pour les entreprises clientes.