Les obligations de vigilance des assureurs en matière d’assurance vie : enjeux et perspectives

La lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) constitue un défi majeur pour les institutions financières, dont les compagnies d’assurance. L’assurance vie, produit d’épargne privilégié des Français avec plus de 1 800 milliards d’euros d’encours, représente un vecteur potentiel de risques significatifs. Face à cette réalité, le cadre réglementaire n’a cessé de se renforcer, imposant aux assureurs des obligations de vigilance de plus en plus strictes. Ces exigences, loin d’être de simples formalités administratives, transforment profondément les pratiques professionnelles du secteur et requièrent une adaptation constante des dispositifs de contrôle interne. Cet environnement normatif complexe soulève des questions fondamentales sur l’équilibre entre protection du système financier et respect des libertés individuelles.

Le cadre juridique des obligations de vigilance en assurance vie

Les obligations de vigilance des assureurs s’inscrivent dans un cadre normatif multiniveau qui s’est considérablement densifié depuis les années 2000. Au niveau international, les recommandations du GAFI (Groupe d’Action Financière) constituent le socle de référence. Ces standards, régulièrement mis à jour, définissent les principes directeurs que les États membres doivent transposer dans leur droit national.

Au niveau européen, la 5ème directive anti-blanchiment (directive UE 2018/843) a renforcé le dispositif préventif. Cette directive, transposée en droit français par l’ordonnance n°2020-115 du 12 février 2020, a notamment étendu le champ d’application des mesures de vigilance et précisé les obligations d’identification des bénéficiaires effectifs.

La transposition en droit français

En droit interne, le Code monétaire et financier (CMF) constitue le principal corpus juridique encadrant les obligations de vigilance des assureurs. Les articles L.561-1 et suivants définissent le périmètre des organismes assujettis, parmi lesquels figurent explicitement les entreprises d’assurance. Ces dispositions sont complétées par les articles R.561-1 et suivants du même code qui précisent les modalités d’application des mesures de vigilance.

Le Code des assurances contient quant à lui des dispositions spécifiques au secteur assurantiel. L’article L.561-9 du CMF permet d’appliquer des mesures de vigilance simplifiées pour certains produits présentant un faible risque de blanchiment, tandis que l’article L.561-10 impose des mesures renforcées pour les situations à haut risque.

Cette architecture juridique est complétée par les lignes directrices de l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) qui, sans avoir de valeur contraignante, constituent une référence incontournable pour les professionnels du secteur. Ces lignes directrices interprètent les textes législatifs et réglementaires et formulent des recommandations pratiques pour leur mise en œuvre.

  • Textes internationaux : recommandations du GAFI
  • Textes européens : 5ème directive anti-blanchiment
  • Textes nationaux : Code monétaire et financier, Code des assurances
  • Soft law : lignes directrices de l’ACPR

La jurisprudence de la Commission des Sanctions de l’ACPR joue un rôle primordial dans l’interprétation de ces textes. Les décisions rendues par cette instance constituent une source de droit particulièrement dynamique qui permet d’adapter les obligations légales aux réalités opérationnelles du secteur.

L’approche par les risques : pierre angulaire du dispositif de vigilance

La réglementation LCB-FT repose sur un principe fondamental : l’approche par les risques. Cette méthodologie, consacrée par l’article L.561-4-1 du CMF, impose aux assureurs d’identifier, évaluer et hiérarchiser les risques de blanchiment auxquels ils sont exposés, puis d’adapter leurs procédures en conséquence.

Cette approche se matérialise par l’obligation d’établir une classification des risques qui constitue la colonne vertébrale du dispositif de conformité. Cette classification doit prendre en compte différents facteurs de risque, notamment :

Les critères de risque à prendre en compte

Les caractéristiques des clients représentent un premier niveau d’analyse. Les personnes politiquement exposées (PPE), définies à l’article R.561-18 du CMF, font systématiquement l’objet d’une vigilance renforcée. De même, les clients résidant dans des pays identifiés comme présentant des déficiences structurelles en matière de LCB-FT nécessitent une attention particulière.

Les caractéristiques des produits constituent un second facteur déterminant. L’assurance vie, par sa souplesse et les montants qu’elle peut mobiliser, présente intrinsèquement un niveau de risque élevé. Toutefois, certains contrats, comme ceux dont la prime annuelle est inférieure à 1 000 euros ou dont la provision mathématique ne dépasse pas 2 500 euros, peuvent bénéficier de mesures de vigilance simplifiées conformément à l’article R.561-16 du CMF.

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Les modalités de souscription et de gestion des contrats doivent être analysées avec attention. La souscription à distance, l’intervention de tiers dans la relation contractuelle ou encore l’utilisation de moyens de paiement atypiques constituent des facteurs aggravants qui doivent être intégrés dans l’analyse de risque.

Sur la base de cette classification, les assureurs doivent mettre en place des procédures adaptées à chaque niveau de risque :

  • Vigilance allégée pour les situations à faible risque
  • Vigilance standard pour les situations à risque moyen
  • Vigilance renforcée pour les situations à risque élevé

Cette gradation des mesures de vigilance permet d’optimiser l’allocation des ressources et de concentrer les efforts sur les situations véritablement problématiques. La Cour de cassation a d’ailleurs confirmé dans un arrêt du 28 mars 2018 (Civ. 1ère, n°17-13.473) que l’absence de classification des risques constituait un manquement grave aux obligations professionnelles.

La mise à jour de l’approche par les risques

L’approche par les risques n’est pas figée dans le temps. Elle doit faire l’objet d’une révision périodique, a minima annuelle, afin de tenir compte de l’évolution des typologies de fraude, des modifications réglementaires et des changements dans l’activité de l’assureur. Cette dimension dynamique constitue l’un des défis majeurs pour les professionnels du secteur.

Les obligations de vigilance à l’entrée en relation et durant la vie du contrat

Les obligations de vigilance s’appliquent tout au long de la relation d’affaires, depuis la souscription du contrat jusqu’à son dénouement. Chaque étape fait l’objet d’exigences spécifiques qui s’articulent autour de deux principes fondamentaux : connaître son client (KYC – Know Your Customer) et comprendre la finalité des opérations (KYT – Know Your Transaction).

L’identification et la vérification d’identité

Lors de l’entrée en relation, l’assureur doit procéder à l’identification du souscripteur et, le cas échéant, du bénéficiaire effectif du contrat. Cette obligation, prévue par l’article L.561-5 du CMF, implique de recueillir des éléments d’identification précis :

Pour les personnes physiques : nom, prénoms, date et lieu de naissance, nature et numéro de la pièce d’identité.

Pour les personnes morales : forme juridique, dénomination sociale, numéro d’immatriculation, siège social et identité des représentants légaux.

Ces éléments doivent être vérifiés au moyen de documents probants. L’article R.561-5-1 du CMF liste les documents recevables à cette fin. Pour les personnes physiques, il s’agit principalement d’un document officiel en cours de validité comportant la photographie du titulaire. Pour les personnes morales, un extrait K-bis de moins de trois mois constitue le document de référence.

L’identification du bénéficiaire de l’assurance vie fait l’objet d’une attention particulière. L’article R.561-10-3 du CMF impose que cette identification intervienne au plus tard au moment du versement des prestations. Toutefois, lorsque le bénéficiaire est désigné par des caractéristiques particulières (par exemple, « mes héritiers »), l’assureur doit obtenir des informations suffisantes pour être en mesure de l’identifier au moment du versement.

La connaissance de la relation d’affaires

Au-delà de l’identité formelle du client, l’assureur doit recueillir des informations sur l’objet et la nature de la relation d’affaires. Cette obligation, prévue par l’article L.561-5-1 du CMF, vise à comprendre la finalité du contrat et à s’assurer de sa cohérence avec le profil du client.

Les informations à recueillir portent notamment sur la profession du souscripteur, ses revenus, son patrimoine, l’origine des fonds investis et la destination économique des sommes. Ces éléments permettent d’établir un profil de risque du client et de détecter d’éventuelles incohérences.

La Commission des Sanctions de l’ACPR a régulièrement sanctionné des organismes d’assurance pour insuffisance dans la connaissance client. Dans sa décision du 19 juillet 2021 (procédure n°2020-07), elle a notamment rappelé que le simple recueil d’un formulaire déclaratif, sans vérification ni analyse de cohérence, ne satisfaisait pas aux exigences légales.

Durant la vie du contrat, l’assureur doit exercer une vigilance constante sur les opérations effectuées. Cette surveillance, prévue par l’article L.561-6 du CMF, implique :

  • D’examiner les opérations exécutées
  • De vérifier que ces opérations sont cohérentes avec la connaissance actualisée du client
  • De mettre à jour régulièrement les informations détenues

La fréquence et l’intensité de cette vigilance doivent être adaptées au niveau de risque présenté par le client. Pour les clients à risque faible, une mise à jour tous les cinq ans peut être suffisante, tandis que pour les clients à risque élevé, une actualisation annuelle s’impose généralement.

Les opérations atypiques et la déclaration de soupçon

La détection des opérations atypiques constitue l’une des finalités principales du dispositif de vigilance. Ces opérations, qui se distinguent par leur montant inhabituellement élevé, leur complexité injustifiée ou leur absence de justification économique apparente, doivent faire l’objet d’un examen renforcé conformément à l’article L.561-10-2 du CMF.

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La détection des opérations atypiques

Pour identifier ces opérations, les assureurs doivent mettre en place des outils de surveillance adaptés à la nature et au volume de leur activité. Ces outils reposent généralement sur un système d’alertes automatisées basé sur des seuils et des scénarios prédéfinis.

Parmi les situations qui doivent attirer l’attention des professionnels figurent notamment :

Les versements exceptionnels sans rapport avec les capacités financières connues du client.

Les rachats précoces, particulièrement lorsqu’ils interviennent peu de temps après la souscription et génèrent une moins-value significative.

Les changements de bénéficiaire répétés ou intervenant peu avant le décès de l’assuré.

L’utilisation de moyens de paiement atypiques, comme des espèces pour des montants importants ou des virements provenant de pays à risque.

Face à une opération atypique, l’assureur doit mener une analyse approfondie visant à en comprendre la justification économique. Cette analyse implique généralement de recueillir auprès du client des informations complémentaires et des justificatifs permettant d’étayer la légitimité de l’opération.

L’obligation de déclaration de soupçon

Lorsque l’examen renforcé ne permet pas d’écarter les soupçons, l’assureur est tenu de procéder à une déclaration de soupçon auprès de TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins). Cette obligation, prévue par l’article L.561-15 du CMF, constitue la clé de voûte du dispositif préventif.

La déclaration doit être effectuée préalablement à l’exécution de l’opération, sauf si son report est impossible ou susceptible de faire obstacle à des investigations en cours. Dans ce cas, la déclaration doit intervenir dans les plus brefs délais après l’exécution de l’opération.

Le contenu de la déclaration doit être suffisamment précis et documenté pour permettre à TRACFIN d’exercer ses missions. L’assureur doit notamment communiquer :

  • L’identité du client et, le cas échéant, du bénéficiaire effectif
  • La description de l’opération concernée
  • Les éléments d’analyse ayant conduit au soupçon
  • Tout document utile à la compréhension de l’opération

La déclaration de soupçon est couverte par une confidentialité absolue. L’article L.561-18 du CMF interdit à l’assureur d’informer le client concerné de l’existence de cette déclaration, sous peine de sanctions pénales. Cette obligation de secret vise à préserver l’efficacité des investigations ultérieures.

La jurisprudence de la Commission des Sanctions de l’ACPR a précisé les contours de l’obligation déclarative. Dans sa décision du 24 janvier 2020 (procédure n°2019-01), elle a notamment indiqué que le simple doute sur l’origine des fonds suffisait à déclencher l’obligation déclarative, sans qu’il soit nécessaire de disposer d’éléments probants attestant d’une infraction.

Les sanctions et responsabilités des assureurs

Le non-respect des obligations de vigilance expose les assureurs à un risque juridique multiforme. Les sanctions peuvent être de nature administrative, disciplinaire, civile ou pénale, selon la nature et la gravité du manquement constaté.

Les sanctions administratives de l’ACPR

L’ACPR dispose d’un pouvoir de contrôle et de sanction à l’égard des organismes d’assurance. En matière de LCB-FT, la Commission des Sanctions peut prononcer diverses mesures prévues par l’article L.612-39 du CMF :

L’avertissement ou le blâme, qui constituent des sanctions morales.

L’interdiction d’effectuer certaines opérations ou la limitation de l’exercice de l’activité.

La suspension temporaire ou la démission d’office des dirigeants responsables.

Le retrait partiel ou total d’agrément, qui constitue la sanction ultime.

Une sanction pécuniaire pouvant atteindre 100 millions d’euros ou 10% du chiffre d’affaires annuel.

Ces sanctions sont généralement assorties d’une publication nominative sur le site internet de l’ACPR, ce qui engendre un risque réputationnel significatif pour l’établissement concerné.

La pratique sanctionnatrice de l’ACPR témoigne d’une sévérité croissante. Dans sa décision du 18 mai 2021 (procédure n°2020-05), la Commission a infligé à une compagnie d’assurance une sanction pécuniaire de 40 millions d’euros pour des défaillances graves et répétées dans son dispositif LCB-FT.

Les sanctions pénales

Outre les sanctions administratives, certains manquements peuvent engager la responsabilité pénale de l’assureur et de ses dirigeants.

Le délit de blanchiment de capitaux, défini à l’article 324-1 du Code pénal, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Ces peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende lorsque le blanchiment est commis de façon habituelle ou en utilisant les facilités procurées par l’exercice d’une activité professionnelle.

La violation de l’obligation de confidentialité attachée à la déclaration de soupçon est punie de deux ans d’emprisonnement et de 22 500 euros d’amende en vertu de l’article L.574-1 du CMF.

Le délit d’entrave aux contrôles de l’ACPR, prévu par l’article L.571-4 du CMF, est sanctionné par un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

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La jurisprudence pénale en matière de blanchiment a connu une évolution significative avec l’arrêt de la Cour de cassation du 20 février 2008 (Crim., n°07-82.977) qui a consacré une présomption de mauvaise foi pour les professionnels assujettis aux obligations de vigilance. Cette décision facilite la caractérisation de l’élément moral de l’infraction, rendant plus difficile pour les professionnels d’invoquer leur ignorance de l’origine illicite des fonds.

La responsabilité civile

Au-delà des sanctions administratives et pénales, les manquements aux obligations de vigilance peuvent engager la responsabilité civile de l’assureur à l’égard des tiers victimes du blanchiment. Cette responsabilité peut être fondée sur l’article 1240 du Code civil qui pose le principe général selon lequel « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

La jurisprudence civile a progressivement reconnu la possibilité pour les victimes d’une escroquerie ou d’une fraude d’engager la responsabilité des intermédiaires financiers ayant facilité, par leur négligence, la réalisation du dommage. Dans un arrêt du 28 avril 2011 (Civ. 2ème, n°10-17.221), la Cour de cassation a ainsi admis qu’une banque puisse être tenue responsable pour avoir manqué à son obligation de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment.

Cette jurisprudence, bien que développée principalement dans le secteur bancaire, est transposable au secteur de l’assurance et constitue un risque juridique supplémentaire pour les compagnies qui ne respecteraient pas scrupuleusement leurs obligations de vigilance.

Vers une harmonisation européenne renforcée des pratiques de vigilance

Le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux connaît actuellement une mutation profonde sous l’impulsion des initiatives européennes. Cette évolution s’inscrit dans une volonté de renforcer l’efficacité du système préventif tout en harmonisant les pratiques au sein de l’Union européenne.

La création de l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment

La Commission européenne a présenté le 20 juillet 2021 un ambitieux paquet législatif visant à refondre l’architecture du dispositif LCB-FT au niveau européen. L’une des innovations majeures de cette réforme est la création d’une Autorité européenne de lutte contre le blanchiment (AMLA – Anti-Money Laundering Authority).

Cette nouvelle autorité, qui devrait être opérationnelle à partir de 2024, sera chargée de :

  • Superviser directement les entités financières présentant les risques les plus élevés
  • Coordonner les autorités nationales de surveillance
  • Faciliter la coopération entre les cellules de renseignement financier nationales

Pour le secteur de l’assurance vie, cette évolution institutionnelle implique une supervision potentiellement plus intrusive et harmonisée au niveau européen. Les grands groupes d’assurance européens pourraient ainsi se retrouver sous la supervision directe de l’AMLA, tandis que les acteurs de taille plus modeste continueraient à relever principalement des autorités nationales.

Vers un règlement européen directement applicable

Parallèlement à la création de l’AMLA, la Commission européenne a proposé de transformer une partie des dispositions actuellement contenues dans les directives en un règlement directement applicable dans tous les États membres. Cette évolution vise à limiter les disparités nationales qui peuvent être exploitées par les criminels.

Ce futur règlement devrait notamment harmoniser :

Les mesures de vigilance à l’égard de la clientèle, avec une définition précise des informations à recueillir et des documents à vérifier.

Les obligations de déclaration, avec l’instauration de critères communs pour déterminer les opérations suspectes.

Les mesures de conservation des documents, avec une durée de rétention uniforme à l’échelle européenne.

Pour les assureurs opérant dans plusieurs pays de l’Union, cette harmonisation pourrait simplifier la mise en conformité en réduisant les spécificités nationales. Toutefois, elle pourrait aussi imposer un renforcement des procédures dans les États membres qui disposaient jusqu’alors d’exigences moins strictes.

L’impact des nouvelles technologies sur les obligations de vigilance

La transformation numérique du secteur de l’assurance soulève de nouveaux défis en matière de vigilance. La souscription en ligne, la signature électronique ou encore les paiements dématérialisés modifient profondément les modalités d’entrée en relation et de suivi des clients.

Face à ces évolutions, le règlement eIDAS (Electronic Identification, Authentication and Trust Services) offre un cadre juridique pour l’identification électronique et les services de confiance. L’article R.561-5-2 du CMF reconnaît explicitement la possibilité de recourir à l’identification électronique pour satisfaire aux obligations de vigilance, sous réserve que le moyen utilisé présente un niveau de garantie suffisant.

Les technologies biométriques (reconnaissance faciale, empreintes digitales) connaissent un développement rapide et pourraient constituer, à terme, un moyen privilégié d’identification à distance. La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) a d’ailleurs publié en 2019 un référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre aux fins de gestion des obligations de vigilance en matière de LCB-FT.

L’intelligence artificielle et le big data offrent des perspectives prometteuses pour améliorer la détection des opérations suspectes. Ces technologies permettent d’analyser des volumes considérables de données et d’identifier des schémas complexes qui échapperaient à l’analyse humaine traditionnelle. Toutefois, leur déploiement soulève des questions juridiques et éthiques, notamment en matière de protection des données personnelles et de biais algorithmiques.

Les registres distribués (blockchain) pourraient faciliter le partage d’informations relatives aux bénéficiaires effectifs et aux personnes politiquement exposées, tout en garantissant la traçabilité et l’intégrité des données. Ces solutions technologiques font l’objet d’expérimentations dans plusieurs pays européens et pourraient être intégrées dans le futur dispositif européen.

Dans ce contexte d’innovation permanente, les assureurs doivent trouver un équilibre délicat entre conformité réglementaire, efficacité opérationnelle et protection des données personnelles. La Commission européenne a d’ailleurs reconnu dans sa stratégie en matière de finance numérique la nécessité d’adapter le cadre réglementaire LCB-FT aux défis de la numérisation.